Developpement du thé durant les périodes de Kamakura et Muromachi

Ce sont bien les époques de Kamakura (1192-1333) et de Muromachi (1336-1573), marquées par la prise de pouvoir de la classe des guerriers, qui ont vues naître le véritable « boom » du thé au Japon.

En 1191, le moine Eisai (ou Yôsai) 栄西 (1141-1215),
qui introduit au Japon l’école bouddhique zen Rinzai 臨済宗, rapporte aussi de son deuxième séjour dans la Chine des Song des graines de thé dit-on, ainsi surtout qu’un nouveau mode de fabrication. Il s’agit d’un thé en poudre, dont l’oxydation est stoppée par passage à la vapeur, qui correspond à ce que l’on appelle aujourd’hui le matcha 抹茶, utilisé aujourd'hui lors de la cérémonie du thé, à la différence notable que les plantations n'étaient alors pas ombrées (en réalité il demeure de nombreuses zones d'ombre sur le thé qui aurait été apporté par Eisai, sa méthode de mise en poudre, de consommation, etc, tant les documents d'époque manques). De nos jour on imagine souvent de matcha comme typiquement japonais, pourtant, il est bien originaire de Chine. Seulement, peu après son introduction au Japon, durant l’époque des Ming (1368-1644), il disparaîtra complètement en Chine, où se développe des thés verts dont on stoppe l’oxydation par chauffage direct dans une sorte de grande poêle, et dont les feuilles sont malaxées et roulées, puis consommées préparées dans une théière. Le Japon devient alors le conservateur d’une méthode de production de thé vert par arrêt de l’oxydation à la vapeur, méthode qui y est aujourd’hui encore très largement majoritaire, le sencha étant aussi produit ainsi.
Il existe beaucoup de mythes autour de Eisai, souvent présentées comme réalités historiques, alors qu'aucuns documents historiques n'existent. 
Par exemple on raconte que dès son retour au Japon en 1191 il aurait planté des graines de théiers à Kyûshû (c'était alors de l'ouest de cette île que l'on prenait la mer pour le continent). On parle d'une première plantation sur le Mont Sefuri 背振山 (qui fait frontière entre les actuelles département de Saga et de Fukuoka), mais encore d'une plantation à Hirato 平戸 dans l’actuel département de Nagasaki, appelée fushun-en 富春園. Aucun document historiques ni archéologiques ne viennent corroborer ces assertions légendaires. 
Aussi dit-on, Eisai, de retour à Kyôto, aurait offert des graines de théier à Myôe 明恵 du monastère Kôzan-ji 高山寺 à Toganoo 栂尾, Kyôto (qui est un monastère du bouddhisme ésotérique de l'école Shingon 真言, et non pas zen, c'est important de le noter). Le thé issu des plantations initiées par Myôe sera ensuite considéré comme celui de la plus grande valeur, et sera appelé honcha 本茶 (thé vrai, thé principal). Le thé de Togano sera jusque dans le courant du 14ème siècle le thé le plus convoité, sorte de marque, dont il existera de faux. Là encore aucun documents historique ne viennent confirmer ce deuxième mythe à propos de Eisai, et il faut noter que ce type de mythes fondateur du thé de tel ou tel région par un personnage célèbre sont nombreux (on peut noter les moines Saichô et Kûkai respectivement pour les thés de Asamiya et Nara). 
Pour revenir à Eisai et Togano, il faut comprendre que cette légende commence à apparaître semble-t-il au 14ème siècle alors que le thé de Togano perd de son prestige au profit de celui de Uji, et la volonté de coller à l'image du thé de Togano celle d'une figure aussi importante que Eisai semble bien être une sorte d'opération marketing pour redorer le blason du thé de Togano.
 
En fait, on trouve pas de trace d'activité de Eisai en rapport au thé avant la rédaction de son petit traiter sur la consommation du thé kissayôjôki 喫茶養生記 en 1211, soit 20 ans après son retour de Chine.
On sait ensuite grâce au Miroir d’Azuma (Azuma Kagami 吾妻鏡), qu'il offrit en 1215 du thé ainsi qu'un volume de son ouvrage au troisième Shôgun, Minamoto no Sanemoto 源実朝, alors souffrant d’une gueule de bois, dont il fut ainsi soulagé.

En 1262, le moine 叡尊 du monastère Saidai-ji 西大寺 de Nara, se rendant dans le Kantô (actuelle région de Tôkyô) aurait en cours de route, en huit endroits où il aurait diffusé le thé à plus de 10000 personnes, nous apprend les Notes d’un Aller-retour au Kantô (Kantô Oukan Ki 関東往還記). On peut y voir l’origine de la culture du thé dans ces régions.

Ce thé fut très vite adopté par les moines, puis par la classe dominante des guerriers. Ceux-ci s’affronte dans des sortes de « blind test » appelés tôcha 闘茶, où le but est de distinguer les thés hon-cha 本茶, de qualité supérieur venant de Toganoo à Kyôto, des thés hi-cha 非茶, thé de qualité inférieur venant d’autres plantations.
C’est aussi la mode du basara 婆裟羅, sorte de mode « m’as-tu vu », où les guerriers rivalisent d’accoutrements colorés et voyant, et d’attitudes tapageuses. Sous l’influence de la Chine, le thé est alors souvent consommé assis sur des chaises, mais l’apparition du style d’architecture dit shôin-tsukuri (書院造), on en vient à une consommation assise sur des tatamis. Ces réunions sont l'occasion d'exposer sa richesse, et est pour l'hôte une manière d'exprimer sa puissance. C’est d’une simplification et purification de ce style architectural qu’est né la salle de thé de la cérémonie du thé.
Notons sans entrer dans les détails que durant l'époque de Kamakura et au début de celle de Muromachi, le thé se développe dans les monastères bouddhiques, non pas zen, mais des huit écoles esotériques, Shingon et Tendai essentiellement.

Commentaires

Articles les plus consultés