Une généalogie de cultivars

Je ne vais pas dans cet article me lancer dans une énumération sans fin de tous les cultivars de thé japonais et de leur arbre généalogique, mais je vais présenter ainsi un certains nombre de cultivars qui me semblent essentiels dans cette partie de l'histoire du thé japonais.
En effet, ici et sur Thés du Japon, je présente toujours beaucoup de cultivars, ainsi que leur liens avec d'autres, et c'est ici une somme facilement consultable que je vais tenter de réaliser en formant des groupes.

Mais tout d'abord, quelques généralités.
- Qu'est ce qu'un cultivar ?
Il s'agit d'une variété de théier, un cépage.
Le théier est une plante qui ne peut se "féconder" lui-même, en somme, une fleur recevant le plollen du même arbre ne pourra donner de graine. Ainsi, il ne donnera de graine que grâce au pollen d'un autre arbre, et donc, avec ce type de reproduction, chaque arbre a des caractéristiques différentes, on parle alors de variété botanique, zaira-shu en japonais.
Revanche, en utilisant des boutures, on crée en quelque sorte des clones aux caractéristiques identiques, on parle alors de cultivar.

- Pourquoi les cultivars ?
L’utilisation de cultivars sélectionnés présente de nombreux avantages.
   * La croissance d'un même cultivar au sein d'une même plantation étant identique, cela permet de récolter des feuilles de taille homogène, créant ainsi de meilleures conditions pour la fabrication du thé.
   * Résistance plus ou moins grande au froid, aux maladies, etc, donc s'adaptant plus ou moins à telle ou telle zone de production
   * L'existence de cultivars plus ou moins hâtifs et tardifs permet d'étaler les récoltes sur une plus grande période, et donc de pouvoir au maximum récolter au moment "idéal".
   * Pour le consommateur, la variété des cultivars est source d'une variété de saveurs. Malheureusement, les cultivars autres que Yabukita restent peu répandu, et surtout peu connu du grand public au Japon.

- Comment crée-t-on un cultivar ?
Plusieurs cas de figure existent.
Le plus simple, avec une bouture d'un théier zairai semblant particulièrement intéressant. Il arrive aussi qu'un théier produise une mutation naturelle, un branche ayant clairement des caractéristiques différentes du reste de l'arbre (c'est comme cela que fut créer Kogane-midori).
Mais le cas de figure normale est la sélection à partir de graines d'un même théier de cultivar connu. Soit la pollinisation est naturelle, et on ne connaît alors pas le "papa", soit on a volontairement placer le pollen de tel cultivar sur les fleurs de tel autre arbre. Ensuite, on plante les différentes graines obtenues, puis on sélectionne parmi les théiers ainsi obtenus. Si on en trouve dont les caractéristiques semblent intéressantes, on le multiplie par bouturage. Il faut alors voir comment ce cultivar prend au bouturage. Pour en arrivé à un enregistrement officiel l faut en général plus de 20 ans !

- Qui ?
Si certains cultivars on pu être créer par des producteurs (Kondô-wase, Ômune, Kogane-midori, Fuji-kaori, etc), dans l'ensemble, les cultivars sont créés dans les centres de recherches. Shizuoka est évidemment le plus actif, suivi de Kagoshima, Kyôto, mais aussi Saitama et Miyazaki sont très actifs.

- Depuis quand ?
La recherche dans ce domaine au Japon commence durant l'ère Meiji, mais c'est seulement à partir des années 1960 que les cultivars commencent à se répandre dans les plantations.
Pour plus de détails, merci de consulter cet article.

Il existe plus de cent cultivars officiellement enregistrés, mais bien plus en réalité si l'on compte ceux qui ne l'on jamais été. C'est en 1953 que 15 cultivars furent pour la 1ère fois enregistrés officiellement.
Voici donc une somme non exhaustive, par groupes qui se recoupent souvent, des cultivars importants pour leur rôle dans l'histoire moderne du thé japonais, ou qui se sont particulièrement développé.
※ Les croisements sont (♀fleur x ♂ pollen)

Tada Inzatsu
Cultivars à l'origine desquels on trouve les graines ramenés d'Inde à la fin du 19ème siècle par Tada Motokichi: le premier est Benihomare, dédié au thé noir, sélectionné à partir d'une graine de théier indien. il porte le numéro 1 dans la liste de 1953.
Par croisement il donnera Benifuji, Izumi, et surtout Benifûki (Benihomare x Makura-Cd86 [graine en provenance de Darjeeling]).

Yabukita et les cultivars de Shizuoka
Yabukita fut créé en1908 par Sugiyama Hikosaburô par sélection dune graine de théiers zairai de Shizuoka, et reste aujourd'hui de très loin le plus répandu des cultivars japonais.
Il est difficile d'énumérer tous les cultivars issus de croisement avec Yabukita tant ils sont nombreux, mais voici quelques exemples.
Sayama-kaori (graine de Yabukita)
Oku-midori (Yabukita x S16)
Kanaya-midori (S6 [zairai] x Yabukta)  ⇒  Kôshun (Kurasawa x Kanaya-midori)
Haru-midori (Kanaya-midori x Yabukita)
Meiryoku (Yabukta x Yamato-midori)
Yume-wakaba (Yabukita x Saitama #9)
Oku-hikari (Yabukita x Shizu Cy225 [issu de graines du Hubei])
etc

Cultivars de Uji
Numéro 2 sur la liste de 1953, Asatsuyu provient d'une graine de zairai de Uji.
Yutaka-midori (mutation de Asatsuyu)
Saemidori (Yabukita x Asatusyu)
Sae-akari (Z1 x Saemidori)
Tsuyu-hikari (Shizu-7132 x Asatsuyu)

Asahi, Samidori, Komakage, Narino, Gokô, Uji-hikari, etc, sont tous issus de graines de zairai de Uji.

Inzatsu 131 et sa descendance
Shizu-Inzatsu 131 (Graine d'un théier de variété de Assam, Manipuli 15)
Fuji-kaori (Mori #3) (Inzatsu 131 x Yabukita)
Sôfû (Yabukita x Inzatsu 131)
Kondô-wase (Yabukita x Inzatsu 131)
Kôju (?)

Miyazaki
Yamanami, sélectionné parmi des graines en provenance du Hubei en Chine. (présent à Miyazaki, pour le kama-iri cha)

Takachiho (graine de zairai de Miyazaki)
Minami-sayaka (MiyaA-6 [Takachiho x Miya F1 9-4-48 un croisement de variété de Assam et du Caucase] x F1NN27)
Mine-kaori (Yabukita x Unkai [Takachiho x Miya F1 9-4-48])

Série 7000
Cultivars issus de graines de Yabukita, sélectionnées par le professeur Arima, comme Inzatsu 131)
Shizu-7132 ⇒  Tsuyu-hikari (Shizu-7132 x Asatsuyu)
Yamakai (Shizu-7166)
Kurasawa (Shizu-7111) ⇒  Kôshun (Kurasawa x Kanaya-midori)
Suruga-wase (Shizu-7109)

On pourrait ajouter sans fin des cultivars.
On voit l'importance globale de Yabukita, comme des cultivars très particulier ont une ascendance étrangère (Inde, Chine, Caucase !) ou à l'inverse le caractère purement local des variétés à thé ombré de Uji. L'ascendance de Kôshun est très intéressante.
Il est toujours intéressant quant on veut s'intéresser de très près au thé japonais d'avoir une idée des rapports entre les cultivars, de faire des dégustations comparée entre les variété ayant des liens de famille.







Commentaires

  1. Merci beaucoup pour cet article très détaillé et qui offre, en plus d'une grande clarté, de belles précisions. J'ai appris grâce à toi que mes deux cultivars préférés: Kôshun et Yamakai sont reliés et ainsi débute ma quête de la série 7000. J'en profite pour te féliciter pour la qualité des thés que tu offre sur ton magasin et mon préféré de 2016, le Kôshun de Fuji qui sent si bon quand ouvre la boîte.

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  2. Merci pour tes commentaires. Ce sont en effet deux cultivars exceptionnels ! Dommage que Yamakai soit en voie de disparation.
    Au sujet Kôshun, je ne peux que te recommander fortement ceux de Shimizu, Tamakawa et Tenryû, bien supérieurs à celui de Fuji.

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  3. Article très intéressant. Cela aide vraiment à comprendre ce que l'on apprécie.
    J'aimerai mieux comprendre comment sont réalisés les croisements. Quels en sont les paramètres.
    Les cultivars Sôfû et Kondô-wase semblent par exemple être issus des deux mêmes cultivars (fleur / pollen). Qu'est ce qui les distingue ?

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